Cela fait déjà quelques décennies que Barnett Newmann nous a asséné sa formule lapidaire “La sculpture, c'est ce contre quoi l'on se cogne quand on se recule pour regarder un tableau”,  et il est désormais évident que la sculpture a conquis son propre territoire. Reste à savoir lequel. Comment occuper un espace par des objets, des volumes? Quelles zones délimiter par et pour la sculpture aujourd’hui?

Émilie Perotto ébauche des tentatives de réponses à ces questions par le travail de matériaux bruts dans l’atelier. Elle développe selon ses propres termes une “pratique de l’économie de moyens”:  assemblage, ponçage, usinage de plans rigides, essentiellement des plaques de bois industriel - contreplaqué, aggloméré, médium.

L’artiste présente pour //interstices// deux sculptures renouant avec le vocabulaire de l’art minimal.  La Boite noire est un carré fait de plaques de topan assemblées, dont le jeu d’imbrication des tranches dessinent des motifs à la Frank Stella. Tiny Wood Pillow est la reproduction en volume et en médium d’un tableau de Cédric Teisseire accroché au-dessus du bureau d’Émilie Perotto depuis des années. Question de passage et de transformation. Là encore les coulées de peintures du tableau originel sont rendues par les lignes de jonction de plaques.

Toute “économie de moyens” engendre nécessairement du recyclage, et le travail d’Émilie Perotto revendique ce caractère cyclique où le rien ne se perd… la conduit à considérer la moindre chute de bois comme une oeuvre potentiellement activable. Toute sculpture trouve ainsi potentiellement sa contrepartie sous forme de poussières, de copeaux ou de chutes. Ce va-et-vient continuel se matérialise dans la dernière série de l’artiste qui joue du passage d’une dimension à une autre. La sculpture se donne désormais comme autoportrait photograhique dans les deux images présentées dans la Random Gallery et pour //interstices//.