Artiste de l’image, Maria Tomé impressionne des histoires pour en extraire une mise en scène. Moins attentive à la narration qu’à l’acte de guider l’œil, Maria Tomé met en lumière l’inconscient de l’objet. Plutôt que de créer, elle choisit de « révéler », nous entraînant ainsi dans sa vision parallèle du quotidien.

Née au sud du Portugal, sa mère couturière et son père tailleur lui apprennent le découpage. Maria Tomé met en scène son monde avec les outils qui l’entourent : ciseaux, cutter, aiguilles… Laissant toujours une place au hasard, à l’accident, son travail aime à se soumettre au fortuit et le mettre en relief.
À vingt ans, attirée par la couleur, la lumière, elle travaille la photo et devient l’assistante de James Lignier, photographe de nature morte, qui lui offre son premier argentique : un F3 Nikon. Ce nouvel outil en main, pendant cinq ans, elle fait le tour du monde, suit l’apprentissage de l’école Louis lumière puis repart. Les rencontres, les différents métiers qu’elle occupe dans le cinéma, la mode sont autant d’expériences qui, mises bout à bout, racontent un peu de l’histoire qu’elle met en scène aujourd’hui. Mais, au-delà du regard, c’est par l’ouïe qu’elle se laisse guider, jamais très loin des concerts, où elle prend des photos. La musique baigne son univers, les musiciens deviennent les premiers acteurs de son approche artistique.
Lorsqu’en 1991, elle atterrit à l’hôpital FMR, ses rencontres avec Jean-Luc Blanc, Jean-Luc Verna, Aurèle, les FFF, déclanchent de nouvelles envies.
« Mon école d’art » c’est ainsi qu’elle baptise ce lieu.
1992 : premiers échanges artistiques, premières performances : chaque jour durant deux mois, elle vole une bouteille de champagne qu’elle fait signer et expose chez IAC à Naussac. S’en suivent des tas d’autres projets : tableaux de feuilles de chêne stabilisées dans la Galerie Lara Vinci à Paris, « Photofolie » Place des Abbesses… En 1995, une autre rencontre marque le début d’une collaboration, toujours d’actualité, avec l’un des pères du Funk : George Clinton pour qui elle crée des costumes de scène, notamment ceux des Grammy Awards. Idem pour les FFF, qu’elle habille lors de leurs concerts.
Réalisés à partir d’images brodées et d’impressions sur tissus, ses vêtements restent avant tout le support de son imaginaire. L’habit de scène devient l’espace de sa propre mise en scène.

Aujourd’hui dans son atelier de l’Île Saint Denis, après une halte à New York, une exposition chez Art concept, un travail magnifique de découpage dans des livres, des magazines et des catalogues d’art, Maria Tomé continue d’affirmer son regard étrange et familier. Est-ce parce que, dotée dès la naissance, d’un œil perçant décrété inépuisable par les médecins et d’un autre ne reconnaissant rien, elle sait voir l’extraordinaire dans l’ordinaire ? Ou est-ce par ce que le hasard et la rigueur restent les aliments d’un travail donnant les clés de l’imaginaire au quotidien ? Une énigme à laquelle, ni ses photos, ni ses vêtements, ni ses découpages n’ont fini de répondre.