new interface of galleries
Air
de Paris and
Praz-Delavallade
Séquence proposée par Yves Brochard :
15 Mar. - 17 May 2008
Eric Claridge
°°°
Eric CLARIDGE: “Introducing“ (1)
Que fait-on lorsque l’on décide de peindre (presque) exclusivement des animaux? Eric Claridge peint de façon plutôt “appliquée” sur des formats relativement petits, autour de 30 x 40 cm, des figures animales qui se détachent sur des fonds unis. On a d’abord envie de se replonger dans toute cette extraordinaire histoire de la représentation animalière: les planches de Martinet pour l’Histoire naturelle de Buffon, celles du dictionnaire de Charles d’Orbigny, la volonté encyclopédique, les recherches de Cuvier: “On peut dire que sans l’art du dessin, l’histoire naturelle et l’anatomie, telles qu’elles existent aujourd’hui, auraient été impossibles” (2). On peut dire aussi que dessiner, peindre le monde animal, ça commence nécessairement par apprendre à voir, regarder, un peu comme cette remarque de Bertrand Lavier à propos de ses études: “Je vous ai dit que c’était l’école d’horticulture qui m’avait préparé à devenir artiste: ce n’était pas une plaisanterie. C’est une des écoles où l’on apprend le plus à regarder” (3). La figure exemplaire reste, à mon avis, celle de John James Audubon: une vie consacrée à l’étude des animaux, observer, représenter, classer... Très vite une vie aventurière puis les obsessions de l’artiste: économique d’abord avec cette idée de vendre les planches de “The birds of America” sous la forme, inédite à l’époque, de la souscription, aussi cette obsession du temps, les planches des oiseaux ne sont même pas terminées et rentables que Audubon pense déjà aux mammifères... “La première planche représenterait le dindon sauvage mâle (Wild Turkey), viendraient ensuite le coulicou à bec jaune (Yellow-billed Cuckoo), la sylvette orangée (Prothonatary Warbler), le roselin pourpré (Purple Finch), et enfin la sylvette du Canada (Cypress Swamp Flycatcher)... D’autres représentations belles et complexes qui stupéfiaient les visiteurs lors des expositions étaient réservées à des fascicules ultérieurs, car il fallait équilibrer l’ensemble, ne pas livrer les plus attractifs dès le début... (4)
Parfois, chez Audubon, les animaux sont représentés en situation: là un aigle mange un poisson-chat , ici un couple de faucons pèlerins dévorent des canards ou encore une femelle pigeon-migrateur introduit son bec dans celui du mâle: “Les pigeons migrateurs se caressent à petits coups de bec. Pendant l’incubation, le mâle nourrit la femelle. la tendresse et l’affection manifestés par ces oiseaux à leurs partenaires est frappante au plus haut point” (5). Plus près de nous ces scènes rejoignent, un peu, la statuaire animalière de la fin du XIX ème siècle sur nos places publiques: “Python attaquant un gnou” de Barye... Et cela tombe bien car souvent dans l’oeuvre de Eric Claridge, les animaux sont face à face: un hérisson rencontre un escargot, une taupe contemple un vers de terre, un singe, dans l’eau, regarde un canard. Parfois c’est encore plus énigmatique: un écureuil est derrière les barreaux d’une prison, un singe fait des ronds de fumée... L’univers se définit par cette peinture étrange, les animaux sont comme figés dans l’espace: “Two hummingbirds”: deux colibris, l’un est déployé, saisi en plein vol, l’autre est posé, trois branches, quelques feuilles et deux nuages sur un ciel bleu pâle et voilà. L’artiste Italien Salvo, dans les années 80, “figeait” ainsi les choses, souvenir de quelques natures mortes et paysages vus au Nouveau Musée de Villeurbanne; Martin Kunz écrivait dans le catalogue: “ Cela pourra paraître naïf comme semblent l’être ses tableaux, mais je suis certain qu’il le croit sérieusement et du reste moi aussi” (6). Yves Brochard.
(1) The Sea and Cake Everybody , Thrill Jockey Records, Chicago, 2007
(2) Georges Cuvier: Rapport à l’Académie des Sciences, 1832 ; cité dans Les planches du dictionnaire universel d’histoire naturelle de Charle d’Orbigny. Fage éditions, Lyon 2007.
(3) Bertrand Lavier: Entretien avec Eric Troncy , Documents sur l’art contemporain N°7, printemps 1995.
(4) Yvon Chatelin: Audubon , Editions France-Empire 2001.
(5) Audubon: Ornithological Biography dans Yvon Chatelin.
(6) Martin Kunz: Salvo , Le Nouveau Musée Villeurbanne 1983.
|