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MICHAELA MEISE: “NOCTURAMA” “Orly flight Madrid tonight... ...Thank you”(1) C’était pendant l’été, Alte Schönhauser Straße à Berlin, d’abord la pochette du cd: peinture de Jutta Koether reconnaissable et puis comme une vignette: la photo de la tour de contrôle d’Orly par Sean Snyder, pas besoin de l’écouter, on savait qu’on l’achèterait: “Songs of Nico”par Michaela Meise & Sergej Jensen. Orly renvoyait bien sûr au titre de Nico “Orly flight”, à l’architecture des années soixante, mais aussi aujourd’hui à tous les départs/arrivées des vols pour le Maghreb ou encore les vols easy jet pour Berlin. C’est aussi dans la capitale Allemande que l’on peut retrouver, dans ce cimetière à côté de Pfaueninsel, la tombe de la chanteuse sous son nom d’état civil Christa Päffgen. Le cd est magnifique, ce sera notre disque de l’été: “Orly flight” où la musique lancinante épouse la voix douce et claire, comme veloutée, de Michaela Meise mais aussi “Reich der Träume, Evening of light, König, Saeta...” les enregistrements et la production sont “faits maison”, tout est juste: les sonorités de l’orgue indien, le cristal de la guitare, la mélancolie de l’accordéon... On peut toujours, si l’on veut, relier formellement l’oeuvre plastique de Michaela Meise au minimalisme ou encore plus précisément à certaines œuvres d’Anthony Caro, mais tous ces rapprochements, certes rassurants, restent finalement très formels. Je préfère évoquer une œuvre pourtant plus ancienne: les constructions spatiales de Katarzina Kobro car je revois aussi tout de suite cette photo où Katarzina pose avec Strzeminski et leur chien ratier dans les dunes de la côte balte et également à ces formules mathématiques que l’artiste Polonaise appliquait à la construction de ses compositions et qui selon elle correspondait également aux rythmes de la vie. C’est cet aspect-là que je voudrais souligner dans l’œuvre de Michaela Meise: des panneaux de bois peints encastrés les uns dans les autres, entre sculpture, architecture, mobilier, c’est “The house” (2004): en équilibre sur les tranches, ces petites constructions fragiles en carton sur lesquelles sont collées, un peu comme ces cubes en plastique transparent que l’on pouvait orienter comme on le voulait, des photos: Margaux Hemingway, les lions de Delos, Andrea Casighari en kouros et dans le catalogue (2): la pochette de “666” des Aphrodite’s child, Melina Mercouri et Romy Schneider qui dansent le sirtaki mais aussi des soldats allemands qui pillent la nourriture après l’occupation de la Grèce en 1941. “Finding my balance” est le titre du catalogue publié sur cette œuvre, on comprend devant l’oeuvre de Michaela Meise cette idée d’équilibre, de balance à construire autant comme deux éléments à unir que comme une balance sonore à trouver dans la salle avant le concert. Pour son exposition à la Random Gallery, Michaela Meise a choisi le carton: feuilles de carton gris prédécoupées qui n’avaient plus qu’à être assemblées, selon ses directives, un peu comme cet exercice d’école, qui devait en fait venir du Bauhaus, et où l’on nous demandait de construire avec simplement des encoches l’une dans l’autre la structure en carton qui grimperait le plus haut et tiendrait en équilibre. Le titre “Nocturama” renvoie au début du roman de Sebald (3) dont le livre fait partie intégrante de l’oeuvre, posé ouvert sur une sorte de plateau de la sculpture. “Austerlitz” est le dernier roman de W.G.Sebald, le personnage se rend à Anvers, c’est là qu’il rencontrera Austerlitz: “... il se distinguait également des autres par le fait qu’il n’avait pas comme eux le regard vide et absent, mais était occupé à coucher sur le papier des notes et esquisses relatives, semblait-il, à cette salle d’apparat où nous nous trouvions...” plus précisément au zoo de la ville Belge, il traverse le nocturama, curiosité (ou monstruosité c’est selon!) qui fait vivre des animaux nocturnes la journée et les oblige à dormir la nuit par un système d’éclairage artificiel, mais la Random gallery n’est aussi qu’une sorte de cage blanche fermée par une vitre et éclairée... Tout au long du roman de Sebald, le personnage Austerlitz va découvrir à travers sa confrontation avec les gares, les cathédrales, les forteresses de quelques unes des grandes villes européennes, l’irrationnel, l’abandon, le déracinement, la perte... la (presque) fin du roman nous renvoie à la bibliothèque François Mitterand, à la gare d’Austerlitz puis à cette zone, en travaux aujourd’hui, au niveau du numéro 43 du quai de la gare là où en 1943 les nazis obligeaient des prisonniers juifs à trier le butin pillé dans les appartements des juifs déportés... Si l’on emprunte la nouvelle passerelle, on passe au-dessus des voies ferrées, on arrive rue du Chevaleret, à droite c’est la rue Louise Weiss avec sa vitrine éclairée. Yves Brochard. (1) Nico: “Orly Flight” Manchester, St Peter’s square 16/06/1983. (2) Michaela Meise: “Finding my balance” Kunstverein Braunschweig 2004. (3) W.G.Sebald: “Austerlitz” Carl Hanser Verlag, 2001; Actes sud, 2002, pour la traduction française. |
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