"Un moulage en plastique médical reproduisant un avant-bras droit repose sur un pied de présentation chromé, à la hauteur et dans la position de celui de l’Ercole Farnese. Cette sculpture antique retrouvée à la Renaissance, fragments après fragments, dans les fouilles des thermes de Caracalla, est la copie romaine, en marbre, d’un original perdu en bronze de Lysippe, représentant une figure d’Héraclès au repos. Le héro, traditionnellement représenté en action, y apparait ici fatigué, s’appuyant sur sa massue comme sur une béquille. Il semble absorbé dans une rêverie, ou une méditation mélancolique, introspective. Le seul indice éclairant le sujet de ses interrogations ne se découvre - au verso - qu’après avoir fait le tour de la figure, qui tient dans le creux de sa main droite, l’avant-bras caché derrière le dos, trois sphères : les pommes d’or du jardin des Hespérides. A l’issue du dernier de ses travaux, la fameuse cueillette de ces fruits mythiques donnant à qui les mange l’immortalité, le fils de Jupiter est saisi d’un moment de vertige existentiel. Se demandant s’il doit ou non les goûter, il devient l’image même du dilemme de la condition humaine.
La matière de l’avant-bras ici représenté, à cheval entre blancheur abstraite du plâtre (gypse) et transludescence de la cire (deux matériaux de base du moulage), se fait visuellement absorber dans le blanc de la galerie, noyée de lumière. Il prend alors un aspect évanescent et spectral, devenant presque d’objet une image. Au sol, à gauche du pied, un cadre en aluminium montre, comme une note de bas de page, une photographie d’une des copies du motif Lysippéen, Héraclès au repos, vu de face, le bras droit caché derrière le dos."

Aymeric Ebrard