Au départ, on n’était pas tout à fait convaincu. Les premiers épisodes, péniblement téléchargés à l’époque sur les recommandations d’un ou d’une amie, laissaient un sentiment d’inachevé. Pas assez drôle pour un comedy show, et les situations et les personnages ne cadraient non plus avec les codes des séries «pour ados» que l’on avait pris l’habitude de regarder au second degré. Pourtant, au fil des épisodes, on s’attachait aux hésitations, aux embarras et aux élans de Lindsay et Sam Weir, de Daniel Desario, Kim Kelly, Nick Andopolis, et tout ce que l’on aurait préféré oublier de la période du lycée ressurgissait. Peu à peu, Freaks and Geeks, la série TV produite par Judd Apatow et Paul Feig, s’est avérée un chef-d’œuvre. Sans rire. L’adolescence, sujet rebattu en art comme au cinéma, sert souvent de prétexte commode à des divagations plus ou moins complaisantes sur l’esprit de transgression, la révolte, le trouble éthéré et le désir extatique qui caractériseraient « la» jeunesse. Figure imposée, façon Larry Clark : des corps imberbes et graciles, empreints d’une torpeur mystique, même depuis le fond de l’abîme. Un mirage rédempteur qui n’invite pas à développer une vision plus complexe. C’est là précisément l’enjeu de Freaks & Geeks : décrire l’adolescence, non comme un état transcendantal, mais comme le moment où l’on commence à tirer au clair les relations de pouvoir et d’autorité qui structurent la société – tout en ayant le sentiment confus que ce monde que l’on nous promet nous est définitivement étranger. À rebours des images idéalisées de teenagers fiers d’en être et avides de conquêtes, le roman d’apprentissage qui nous intéresse ici parle de frustration, d’interdits, de maladresse, mais aussi d’enthousiasme, d’inventivité et de bière sans alcool. Les freaks et les geeks savent que le monde ne leur appartient pas – d’ailleurs, ils n’en veulent pas. Parce qu’il craint. castillo/corrales est un espace d'exposition indépendant créé en 2007 à Belleville (Paris) par un groupe d'artistes, de critiques et de commissaires d'exposition bien dans leurs jeans. http://www.castillocorrales.fr Freaks and Geeks curated by castillo/corrales with Jay Chung and Q Takeki Maeda, Jana Euler, James Franco, James Hoff and Danny Snelson, Aaron Flint Jamison, Tobias Kaspar, Brian Kennon, Nina Könnemann, and Amy Yao
It was 1980, seen from 1999. «Everything you remember from high school that you choose to forget» read the tagline. The first episodes of the TV series Freaks and Geeks that it was possible to download seemed at first watch too elusive: not enough playful situations that could have turned it into a outstanding comedy show, not enough of the typical teenagers and teachers characters whose changing relationships can provide endless twists and turns. But throughout the hesitant rhythm of the first sequences, the awkward looks of the cast, and the blank picture of dullness, bore and dismay, little by little, Judd Apatow and Paul Feig’s Freaks and Geeksrevealed a masterpiece. castillo/corrales is is an alternative art space, initiated early 2007 in Belleville (Paris), collectively run by a group of artists, curators and writers in Paris, from a generation who got the shaft but can still keep everything from sucking. http://www.castillocorrales.fr |