1er décembre 2007 - 19 janvier 2008

Carsten Höller
Double Shadow

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« Par ses machines à confusion, Höller ne cherche pas à susciter le doute au niveau superficiel des apparences. Quelque chose de beaucoup plus fondamental est en jeu : ces objets tentent à la fois de brouiller et de révéler les sens afin qu'ils inhibent la subjectivité et le sentiment de soi au lieu de les favoriser. » Jonathan Shaughnessy

Né en Belgique et maintenant établi à Stockholm, Carsten Höller est reconnu mondialement pour ses oeuvres intrigantes, à mi-chemin entre la sculpture et l'installation grand format. Si l'expérience des situations créées par l'artiste vise à générer une forme d'incertitude, elle s'inscrit également dans un réseau de correspondances où le sens circule sans jamais se figer.   A la suite de ses expositions dédoublées au MAC de Marseille et au Fürgfabriken de Stockholm, Carsten Höller prolonge la dialectique du double dans son exposition « Double Shadow » à la galerie Air de Paris.   D'entrée de jeu, l'artiste nous met en condition en proposant l'ombre portée d'une pièce déjà existante et qu'il redouble. Double Shadow Zollner Wall Paper est un papier peint de bandes diagonales. Elles semblent convergentes ou divergentes, pourtant elles sont parallèles. L'illusion d'optique provient des lignes horizontales qui les coupent. le regard se rattache alors instinctivement à la ligne continue de photocopies. Une ronde de personnages, Manège humain , se met en place et encercle la galerie. Höller a fait appel à des professionnels de la filature en donnant à chacun le signalement du précédent jusqu'à ce que la boucle se referme. Chacun sait qu'il suit quelqu'un mais ne sait pas qu'il est suivi. Les photographies ont été prises par les détectives, ils sont l'ombre d'eux-mêmes et mettent en abyme notre position de voyeur.

Music Machine est un micro dans une salle vide, le premier réflexe est de le tester... rien ne se passe, on est accompagné et on s'étonne : « encore une pièce de Carsten Höller qui ne marche pas ? C'était pareil dans l'exposition « Deux plus tout » au Canada... » Soudain une musique se déclenche et, comme avec une bande son de film, l'atmosphère se charge d'une émotion particulière. Le micro est branché à un logiciel de reconnaissance vocale qui est programmé pour réagir uniquement si l'un des trois mots " déclencheurs" est prononcé : "Deux", "Plus", "Tout". Ces mots ont été choisis parce qu'ils sont d'usage courant, l'un deux active une mélodie électro-acoustique du compositeur Aphex Twin. L'autre, génère une musique plus stridente créée par l'artiste britannique Russell Haswell. Le troisième mot déclenche les deux trames sonores en même temp. On s'interroge ici sur la relation entre les mots et les musiques, sur la marge d'erreur de la machine, sur la capacité du langage à véhiculer notre pensée... Parallèlement, Höller déconstruit notre vision en s'attaquant à la séparation des couleurs dans une série de photographies prenant pour objets des manèges de fêtes foraines ( Forte dei Marmi Ballerina , Lignano Ski Lab ) . Superposées et décalées, les couleurs créent une vibration. Le mouvement n'est plus celui du manège, c'est celui de l'activité cérébrale qui tente en vain de faire le point... Dans la lignée de ses travaux réalisés à partir du phénomène Phi, Höller pousse encore plus loin l'expérience avec Phi TV  en s'attaquant aux flux des images télévisuelles captées en temps réel et diffusées alternativement sur deux moniteur synchronisés. Les deux télévisions sont branchées sur deux différentes chaînes (information et divertissement) qui font corps dans l'esprit du spectateur. En 1997 déjà, L'Ombre de l'artiste était capturée en même temps que celle de Maurizio Cattelan, les deux réunies dans une marmite scellée par ses galeristes à tout jamais...
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Born in Belgium and now based in Stockholm, Carsten Höller has built a worldwide reputation with intriguing works somewhere between sculpture and large-scale installations. If the situations he creates are intended to generate a degree of uncertainty, the experience is also part of a network of correlations through which meaning circulates without ever becoming fixed. In the wake of the symmetrical and double exhibitions at, respectively, the MAC in Marseille and the Fürgfabriken in Stockholm, we find Höller pursuing the dialectics of duality with "Double Shadow" at Air de Paris, where he sets the tone by replicating an earlier work via its cast shadow: the diagonal stripes making up Double Shadow Zöllner Wall Paper seem either to converge or diverge, and yet they are parallel, the optical illusion being created by the horizontal lines that intersect them. In the continuous line of photocopies that makes up Manège humain (Human Carousel), a succession of figures encircles the gallery; for this work Höller had private detectives follow each other, giving each the description of his predecessor - without telling him that he too was being followed - until the loop was closed. In these photographs taken by the detectives, the subjects are the shadow of themselves, making us voyeurs within a context of voyeurism. Music Machine is a microphone in an empty room, and our natural reflex is to try it out; but nothing happens, and the astonished reaction is, "Another Carsten Höller piece that doesn't work? Same as in the 'One, Some, Many, Deux, plus, tout' exhibition in Canada." And then suddenly music begins to play, generating a specific emotional atmosphere the way a film soundtrack does. In fact the microphone is hooked up to voice recognition software programmed to react to three "trigger" words chosen for their everyday character in French: un, plus and tout ("one", "plus" and "all").   The first word sets off an electro-acoustic melody by composer Aphex Twin and the second a more strident work by British artist Russell Haswell; the third touches off both at the same time. Here we find ourselves speculating about the relationship between words and music, the margin of error inherent in machines and the ability of language to convey thought.

In parallel, Forte dei Marmi Ballerina and Lignano Ski Lab deconstruct the business of seeing via colour separation in a series of photographs of fairground carousels. Overlaid but out of register, the colours set up a vibration, the resultant movement being no longer that of the carousel, but that of the activity of the brain as it strives to get things into focus. With Phi TV the artist takes his earlier exploration of the phi phenomenon still further via the flux of real-time TV images alternating on two synchronised monitors: the receivers are picking up two different channels - one news, the other entertainment - which thus fuse in the viewer's mind.

Let's not forget that in L'Ombre , back in 1997, Höller trapped his own shadow, together with Maurizio Cattelan's, in a cooking pot that was then permanently sealed by his galerist.