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Persona — les limites extérieures du soi, accroché comme un masque, un peu d’artifice. Dans les peintures de Tom Allen, une mystérieuse et ineffable plénitude émerge des plis de surfaces prometteuses, projections du masqué, et d’effets de saturation, d’intensités de lumière et de couleur qui animent l’étrange surabondance comme une sorte de sujet. Les conformations et les nuances, dissimulées et pourtant inépuisablement présentes, témoignent d’une présence cachée, encore invisible mais pourtant là, telle une éventuelle menace ou un piège, dissimulée par un puissant contraste et une abondance de détails. Les peintures récentes d’Allen notamment, sont issues et plongées dans de double- mouvements complexes de personae titulaires — le scorpion et le taureau, signes opposés courtisés à travers de lointains astérismes et des lignes tropicales ; les orchidées jumelles, tachetées d’yeux qui ne voient pas, ouverts en grand ; le népenthès chasseur de chagrin, « apaisant toute douleur et tout conflit » ; et, plus énigmatique, la mascarade discrète des visages en bas-relief, filant ensemble l’organique et l’inorganique, délicat filigrane tissant des concepts d’altérité, d’attraction et de transmutation dans la surface de l’œuvre.
Maurice Blanchot : « Car les bords d’un secret sont plus secrets que le secret lui-même » (1). Ici, comme ailleurs dans l’œuvre d’Allen, les choses miroitent de perspectives changeantes, telles des pierres précieuses, scintillantes et éclatantes, grotesquement transposées, vibrantes, viriles et flamboyantes. Les bords des sujets s’écoulent, se courbent et s’enroulent en spirale jusqu’à s’incorporer, quasi-imperceptiblement ; cette perte des contours révèle l’attraction qui force des formes contradictoires à s’unir. À partir de la dispersion, de la dissimulation et de la désintégration des imposantes personae d’Allen, de l’intrusion tactile de formes jumelées, l’une dans l’autre, les peintures soulignent l’élément tropical qui régit toute création.
« La nuit est l’hiver des tropiques », dit l’adage. « Le tropique est l’ombre que fuit tout discours réaliste » (2), confirme Hayden White. La nuit, l’ombre aussi, en tant que personae — déguisent, voilent et recouvrent, saluant les origines étymologiques du masque comme spectre et cauchemar. Les vivantes émanations, les pierres précieuses comme les yeux en flammes de Charon, saluent à la fois la passion et l’horreur, la vie et la décomposition. Le masque protège, mais projette aussi ; il dissimule et il éloigne. Après tout, il est courant de parler du masque comme d’une protection, d’un « revêtement cachant ou protégeant le visage », c’est-à-dire comme d’un phénomène défensif d’origine incertaine, appartenant au domaine de la vigilance éternelle, de la contingence du « qui vive ?», de ceux qui sont bien éveillés, et en même temps attentifs, théâtraux. Ici aussi, les personae incarnées par les masques mettent en scène un dédoublement, joué comme une influence transformatrice, qui déplace les surfaces pour établir le contact — comme le langage. Les masques stratégiques d’Allen opèrent donc à l’émergence d’une intériorité renfermée — désir, fléau, poison, potentiel — par le biais d’une valence expressive projetée à la surface.
Détachées de leur place dans le firmament, les personae symboles telles que le scorpion et le taureau proviennent d’autres disciplines de la pensée pour régir le domaine pictural. Là, conflits, contradictions et correspondances se replient dans la densité ornementale. La complexité inexprimable du masque, carapace ou armure, costume de théâtre ou surface ornementale, courant libidinal ou pulsion mortifère, exagère une condition essentielle, une intériorité cachée — désir, fléau, poison, potentiel — jusqu’à la contradiction fiévreuse. Une logique structurelle sous-tend l’ésotérisme. Tout est poussé à la limite de ce qui peut être connu, deviné, ressenti. La rencontre ici, se fait entre le fini, le champ de la peinture, la figure du tropique, l’étoile fixe et l’influence transformatrice du jeu infini, juste au-delà de la surface. Dans la densité tourbillonnante de ces conflits complémentaires, opposés en correspondance, en conversation, on imagine le mouvement, la réverbération et la résonance. Personae, pour ainsi dire, pour quelque chose qui se joue.
Ainsi, le dissimulé, l’isolé et l’aliéné rayonnent de façon invisible, dotés d’un potentiel vital et enivrant. Et pourtant, la viscéralité unique d’Allen reste un paradoxe inévitable et séduisant, un défi et une énigme sans fin. Dans ces œuvres, de vastes espaces se remplissent de réinvention, de progrès, grâce à un positionnement magique et à l’étincelle intuitive du contact. Entremêlant des éléments astrologiques, esthétiques et formels, les Personae d’Allen menacent un espace affectif basé sur l’expérience, à jamais rempli du potentiel d’une vie précieuse, en rapport avec sa propre et inéluctable destructivité.
— Sabrina Tarasoff
(1) Blanchot, Michel, Le Livre à venir, Paris, Gallimard, 1986, p. 259
(2) «Tropic is the shadow from which all realistic discourse flees» : White, Hayden, Tropics of Discourse : Essays in Cultural Criticism, The Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1978, p. 2
© Photo Anna Denisova
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Persona—the outer limits of self, hung on as mask, a bit of artifice. In the paintings of Tom Allen, a mysterious, ineffable plentitude emerges from the folds of promissory surfaces, projections of the masked, and the saturated effects, intensities of light and colour, which animate the strange surfeit as a kind of subject. Cloven and concealed, yet inexhaustibly present, are conformations and complexions that tell of a concealed presence, still invisible, yet surely there, as a possible threat, or lure, cached in high contrast and prodigious detail. Allen’s recent paintings, namely, are drawn out of, and into, the complex double movements of the titular ‘personae’—the scorpion and the bull, opposing signs courted from across distant asterisms and tropical lines; twin orchids, spotted with unseeing eyes, open wide; the sorrow-chasing nepenthes, ‘quieting all pain and strife’; and, more enigmatic, the withdrawn masquerade of faces in low relief, weaving together the organic and inorganic, like a delicate filigree, spinning concepts of alterity, attraction, and transmutation into the work’s surface.
Maurice Blanchot : “For the edges of a secret are more secret than the secret itself.”(1) Here, as elsewhere in Allen’s oeuvre, things shift in gemlike perspectives, glittering and glowing, grotesquely transposed, vibrant, virile, and ablaze. The edges of subjects flow and curve and spiral to near-imperceptibly incorporate; this undoing of contour reveals the attractive influence that forces contradictory forms to coalesce. Out of the dispersal, dissimulation, and breaking of Allen’s imposing personae, the tactile trespass of twinned forms, one into the other, the paintings point to the tropical element in all creation.
“Night is the winter of the tropics,” as the common saying goes. “Tropic is the shadow from which all realistic discourse flees,”2 confirms Hayden White. The night, the shadow, too, as personae—guise, veil, cover, hailing the mask’s etymological origins as specter, nightmare. Allen’s vivid life forms, precious stones, like Charon’s eyes ablaze, signal both passion and horror, life and decay. The mask protects, but also projects; it conceals, and wards off. After all, it is common to speak of masks as protective, “covering to hide or guard the face”; that is, as a defensive phenomenon of uncertain origins, which belongs to the realms of the eternally vigilant—the contingency of the ‘qui vive?’, those wide awake, and yet solicitous, theatrical. Here too, the masks’ projected personae stage a doubling, played out as a transformative influence, which motions surfaces to forge contact— as language. Allen’s strategic masks, then, serve the operative function of making a withdrawn interiority—desire, bane, poison, potential—emerge through an expressive valence projected at surface.
Unfixed from their proper place in the firmament, the signaling personae, such as the scorpion and the bull, come forth from other disciplines of thought to govern the painterly field. There, conflicts, contradictions, and correspondences fold into ornate density. The unnamable complexity of the mask, as carapace or armor, theatrical guise or ornamental surface, libidinal current or force of death, exaggerates some essential condition, a concealed interiority—desire, bane, poison, potential—to the point of feverish contradiction. A structural logic underwrites the esoteric. Everything is drawn to the limit, of what can be known, intuited, felt. The encounter, here, is one staged between the finite— the painted field, the tropic figure, fixed star—and the transforming influence of the artist’s infinite play on these dimensions. In the spiral density of these complementary conflicts, opposites in correspondence, conversation, one imagines movement, reverberating and resounding. Personae, as it were, as something played out.
Like so, the dissimulated, the isolate, and alienated radiate, invisibly, with intoxicating and vital potential. And yet, Allen’s unique viscerality remains as the inevitable, enticing paradox at heart, an endless challenge and puzzle. In these works, vast spaciousness fills with re-invention, as progress, by magical placement and the immediate spark of contact. Intertwining astrological, aesthetic, and formal elements, Allen’s personae menace an affective, experiential space—forever filling with potential, precious life, in relation with its inevitable destructiveness.
— Sabrina Tarasoff
(1) «Car les abords d’un secret sont plus secrets que lui-même»: Blanchot, Michel, Le Livre à venir, Paris, Gallimard, 1986, p. 259
(2) White, Hayden, Tropics of Discourse : Essays in Cultural Criticism, The Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1978, p. 2
Crimson and Violet, 2024, Oil on canvas, 71,3 x 63,5 cm, Unique. Photo: © GRAYSC
Crimson and Violet, 2024, Oil on canvas, 71,3 x 63,5 cm, Unique. Photo: © Anna Denisova
Red and Gold, 2024, Oil on canvas, 71,3 x 63,5 cm, Unique. Photo: © GRAYSC
Red and Gold, 2024, Oil on canvas, 71,3 x 63,5 cm, Unique. Photo: © Anna Denisova
Grotesques, 2024, Oil on canvas, 58,5 x 43,5 cm, Unique. Photo: © GRAYSC
Grotesques, 2024, Oil on canvas, 58,5 x 43,5 cm, Unique. Photo: © Anna Denisova
Untitled (the Break), 2024, Oil on canvas, 56 x 63,5 cm, Unique. Photo: © GRAYSC
Untitled (the Break), 2024, Oil on canvas, 56 x 63,5 cm, Unique. Photo: © Anna Denisova
Yesterday's Twilights, 2024, Oil on canvas, 38,5 x 33 cm, Unique. Photo: © GRAYSC
Yesterday's Twilights, 2024, Oil on canvas, 38,5 x 33 cm, Unique. Photo: © Anna Denisova
Yesterday's Twilights, 2024, Oil on canvas, 58,42 x 43,18 cm, Unique. Photo: © GRAYSC
Untitled (the Fold), 2025, Oil on canvas, 58,42 x 43,18 cm, Unique. Photo: © GRAYSC