<<

Flint Jamison’s art tells us that we’re in a foreign place and, as always, alone. He reminds us that we do have our wits, our senses, our fight-or-flight response; our feelers are definitely up in the presence of his work. His abstractions reveal the narrow divide between outside and inside, the porous boundary between ourselves and everything that’s not. Other bodies, the environment, corporate, governmental, and institutional operations, the ongoing etiquette of maneuvering through the erotic, cultural, and social codes—Flint impresses that our survival hinges on understanding cues. There’s often a point of rupture, a point of contact extended in his work that functions as a mouth to enter it. There’s a keyboard to tap, a screen that speaks through illuminated text, a consciousness conveyed by the work’s electronic activation. Its soft, whirring readiness to be felt appears more as an absence, a dark place to search for a more familiar warmth. I’ve been in its stealth, mechanized presence a handful of times, and felt reduced to a lover attempting to read the remote affect of a disinterested paramour. There’s the sense that when you’re with it, you’re all flesh and need—looking for a way “to connect.” It tells us what art does to us.

Jamison’s work enacts the dynamic of absolute power and of power in relationship. It reconceptualizes the symbolic into a body, a series of systems, and soon opens onto the uncategorizable. Housed in a room, it expands and diminishes us; it escapes us through its refusal of legibility. His shadowy, armored casings produce a surreal parallel plane for one impaired visitor to pilot. The hand manuals provided in the form of his somatic books are only an illusion of a text, the pretense of a key. In no time, the content unravels to become tangents of words that resist coherent meaning. Fingering the pages seeking lucidity (in vain): eventually, inadvertently conjured up the discomfiting mental image of a panicked 737 MAX cockpit shortly before an explosive end. Futility and frustration are the real subjects to square here. Like Flint’s other works, the books take the measure of the reader’s patience and turn one sensate simultaneously. Particular words rise to the surface: model, membrane, heat pump, trigger, vocal folds, box, security—a cultish faithfulness is required to unlock the shuffled text. One supposes that with the exact degree of attention paid to it, ample time clocked and unknowable debt satisfied: there’s a way to outlast the abjection of the thing--this body--that breaks down. If one fails or flails beautifully, fitfully, Jamison suggests a release into the pure neutrality of a form finally free of content, of context is possible. While entrée into the void is the ultimate prize, the oceanic sublime is matched by a fear of losing the self in Flint’s art.

Months in isolation in Los Angeles, the global pandemic seems an appropriate backdrop to approach a dialogue on Flint Jamison’s shrouded practice. In place of a direct Q &A on a matter of facts and descriptions: instead, I’m the beneficiary of Flint’s gift-giving, receiving assorted sensual and cryptic editioned books steadily in the mail. One at a time, over two weeks, the immaculate parcels appeared. Our email exchanges lead to more kind opacity on his part. Still, a feeling of growing kinship quickly develops between us. He agrees with my description of his work as a form of SM; more pictures arrive in my box to illustrate his version of fetish. A little bit creepier than usual, I think, due to the model, not the gear. Testing our intimacy, I compare my first response to <<2X Scrypt Huffer>> at Air de Paris in 2015 to an encounter I had at a dungeon in San Francisco fifteen years before. There, I witnessed a woman wholly encased in leather with a small breathing hole in her skin-tight hood, sitting on an uncomfortable chair that you might find at a convention center. Next to her was her lover/mother-figure/guide: a prim, matronly transwoman. The quiet couple was there to be seen. Her hand rested gently on the mute, mummified woman’s thigh, as we made small talk—tethering her to a place, rendering null the emptiness through applied pressure, conveying a presence, love. I became haunted by this scene of tenderness and deep-seated need—the need to be witnessed publicly as disappeared, self-annihilating, gone. Flint agreed with my comparison to his work and offered that he was at that same party.

Monica Majoli, August 2020.

*

L’œuvre de Flint Jamison nous dit que nous sommes dans un lieu étranger et, comme toujours, seuls. Il nous rappelle que nous avons bien un esprit, des sens, une réaction de lutte ou de fuite ; en présence de son travail nos antennes se redressent, incontestablement. Ses abstractions révèlent l’étroite fracture entre extérieur et intérieur, la frontière poreuse entre nous-mêmes et tout ce qui n’est pas nous. Autres corps, environnement, fonctionnement des entreprises, des états, et des institutions, usages en cours dictant comment jongler entre les codes érotiques, culturels, et sociaux - Flint nous fait bien comprendre que notre survie dépend de notre compréhension des signaux. Il y a souvent un point de rupture, un point de contact dans son œuvre qui fonctionne comme une bouche d’entrée. Un clavier sur lequel taper, un écran qui parle à travers un texte illuminé, une conscience transmise par l’activation électronique de son œuvre. Toute prête à être touchée, douce et ronronnante, elle semble être davantage absence, lieu sombre où chercher une chaleur plus familière. Les quelques fois où je me suis retrouvée en sa présence, discrète et mécanisée, j’ai eu l’impression d’être réduite à l’état d’une maîtresse essayant de déchiffrer l’affect éloigné d’un.e amant.e désintéressé.e. On a l’impression, en présence de l’œuvre, de n’être que chair et manque - de chercher un moyen de « se connecter ». L’œuvre nous dit ce que l’art nous fait.

L’œuvre de Jamison exprime la dynamique de pouvoir absolu, et de pouvoir dans les relations. Elle reconceptualise le symbolique dans un corps, une série de systèmes, et débouche rapidement dans l’inclassable. Abritée dans une pièce, elle croît, et nous rapetisse d’autant ; elle nous échappe par son refus d’être intelligible. Ses sombres revêtements blindés produisent un plan parallèle, avion irréel qu’un visiteur diminué doit piloter. Les manuels fournis sous la forme de livres physiques ne sont qu’une illusion de texte, un faux-semblant de clef. En un rien de temps, le contenu se délite en tangentes de mots refusant toute signification cohérente. Je feuillète les pages à la recherche de lucidité (en vain) : finalement, sans le faire exprès, l’œuvre a fait naître l’image mentale déconcertante d’un cockpit 737 MAX paniqué, quelques instants avant une fin explosive. Futilité et frustration sont les réels sujets à concilier ici. Comme les autres œuvres de Flint, les livres prennent la mesure de la patience du lecteur, et le transforment en même temps en être sentient. Des mots précis émergent : modèle, membrane, pompe à chaleur, détonateur, replis vocaux, boîte, sécurité - il faut une fidélité cultuelle pour démêler le texte enchevêtré. On suppose qu’en lui accordant un degré d’attention exact, une ample quantité de temps, et en payant une dette inexplicable, on découvrira un moyen de survivre à l’abjection de la chose - ce corps - qui se délite. Si l’on échoue ou si l’on se débat magnifiquement, par intermittence, Jamison suggère qu’il est possible de faire l’expérience d’une libération dans la neutralité pure d’une forme enfin affranchie de contenu et de contexte. L’entrée dans le vide en est le prix ultime, mais le sublime océanique est commensurable à la peur de perdre son moi dans l’œuvre de Flint.

Des mois d’isolement à Los Angeles, la pandémie mondiale semble être un arrière-plan approprié pour entamer un dialogue avec la pratique mystérieuse de Flint Jamison. Au lieu de questions directes portant sur des faits et descriptions, je suis, à la place, bénéficiaire des cadeaux de Flint, recevant régulièrement par la poste ses livres à l’édition sensuelle et cryptique. Les paquets immaculés apparaissent un par un pendant deux semaines. Nos échanges de courriels mènent à davantage d’opacité généreuse de sa part. Et pourtant, un sentiment d’affinité croissante se développe rapidement entre nous. Il est d’accord avec ma description de son œuvre comme une forme de SM; davantage de photos débarquent dans ma boîte mail pour illustrer sa version du fétichisme. Elles donnent encore plus la chair de poule que d’habitude, à cause du modèle, je crois, pas des accessoires. Test de notre intimité, je compare ma première réaction à <<2X Scrypt Huffer>> chez Air de Paris en 2015 à une rencontre que j’ai faite dans un donjon SM à San Francisco il y a quinze ans. Je suis tombée sur une femme complètement recouverte de cuir, avec seulement un petit trou pour respirer dans sa cagoule moulante, assise sur une de ces chaises inconfortables qu’on trouve dans les centres de convention. À côté d’elle se trouvait sa maîtresse/figure maternelle/guide : une imposante femme trans. Le couple silencieux était là pour être vu. Sa main reposait doucement sur la cuisse de la femme momifiée silencieuse tandis que nous échangions des banalités - l’ancrant à un endroit, annulant le vide par la pression qu’elle appliquait, exprimant une présence, l’amour. Je suis devenue obsédée par cette scène de tendresse et de besoin profond - le besoin d’être vue publiquement comme disparue, s’auto-annihilant, partie. Flint approuva la comparaison que j’avais établie avec son travail, et déclara qu’il était à la même fête.

Monica Majoli, août 2020, traduction Mirabelle Ordinaire.