On n’en sort pas des notes perdues, du livre à venir qui ne viendra plus, du vide abyssal que laisse un texte non fini. On croirait toucher paradoxalement, par cette absence même, «l’abîme d’en-dessous le mal qui était le mal lui même [ et qui ] vient de surgir dans la lumière du langage.» A la différence près que, ici, continuant le jeu d’oxymores chères à Foucault, c’est par la négation du texte que l’on perçoit cet abîme. Si l’écriture recouvrait un fond sans fond, le texte perdu le dévoile. Il nous reste alors à sonder l’oeuvre non finie, l’ébauche comme ce qui a survécu au désastre, son signe intangible. Il nous reste à lire et relire à s’en abîmer les yeux, à suivre les traits des esquisses préparatoires, à recouper les textes, à sonder les blancs qui le trouent - des noirs.
Peut être en sont elles d’autant plus précieuses, d’ailleurs, ces notes, lourdes de la beauté qui n’a pas survécu à leur destruction ou que leur inachèvement a empêché.
Une beauté supplémentaire, qui se surajoute à la beauté de la prose de Pasolini – son ultime prose, Pétrole, écho de celle de Pétrone, dont le récit de la fuite de l’objet du désir fait écho au manque au coeur de son texte, incomplet. Il faudra alors se plonger dans le noir (bruant&spangaro, Fabian Marti, Anne Laure Sacriste, Benjamin Swaim) dans les ébauches comme dans les imprimés (Monica Majoli, Carol Rama), dans les textes (Hanne Darboven, Lisa Holzer, David Jourdan, Josef Strau), non pas pour retrouver quoique ce soit de perdu mais bien garder la beauté dont ces oeuvres, comme celle des textes auxquels on aura pris plaisir à les associer, sont l’indice. Car, au final, ces notes sont bien la preuve de leur souvenir et pas de leur perte.