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Du 15 Novembre au 11 Janvier 2013
Vernissage le 15 Novembre 2013 de 18 à 21h

Brice Dellsperger

 
Une exposition de Brice Dellsperger a cet effet paradoxal que, s’il n’est question que de répétition et de reprise, elle a l’effet grisant de la nouveauté.
Dans Bons Baisers d’Hollywood, en autant de nouveaux numéros de la série culte Body Double, l’artiste reprend autant de séquences de films d’auteur ou grand public – autant de scènes déjà fantasmées et prêtant au fantasme. L’effet de mémoire affecte immédiatement chaque scène, et le point commun de tous les Body Double repose le plus souvent sur l’interprétation de tous les personnages par un même acteur systématiquement transformé en actrice. Les scènes rejouées sont par anticipation des mises en abîmes de son geste artistique : ambiguïté sexuelle du personnage principal (BD 27), présence du personnage principal et de sa doublure (BD 29), construction réflexive de la scène (BD 30), action résultant d’un montage de séquences (BD 28), à moins qu’il ne s’agisse d’images fixes que l’artiste réanime par le poids de légende qu’elles portent (BD 26). Jouant, dans son geste de reprise, des effets vidéos de récursivité et retour, c’est à rien de moins que la multiplication infinie des formes du désir face à son objet que le spectateur assiste, et ce dans sa plus pure forme : une projection.
 
 

Body Double 27, 2010, 8’15’’.
A partir de L’Année des treize lunes (1978) de Fassbinder, Dellsperger démultiplie la scène de sanglots du personnage principal, la transsexuelle Elvira, dans une salle de jeux d’arcade (Body Double 27) : en trois projections et 24 personnages, il éprouve la dimension impudique et solitaire de l’original.


Body Double 28, 2013, 2’46’’
Dans Body Double 28, l’artiste reprend une scène du pilote de la série TV Miami Vice (Thomas Carter, 1984), dont l’action - une poursuite dans la pénombre - comme seul effet d’un classique mouvement de caméra, est ici redoublée en sens inverse, prolongeant ainsi l’action par une économie de moyens.

 
Body Double 15, 2001, 8’37’’
 
Body Double 30, 2013, 2’49’’
Avec Body Double 30 (2013, inédit), l’artiste rejoue une scène de Pulsions de Brian De Palma (Dressed to Kill, 1980), antérieure à celle qu’il reprenait en 2001 dans Body Double 15. Dans ce dernier, la scène de poursuite dans le Metropolitan Museum de New York était rejouée au Musée de Wiesbaden. Le dispositif de présentation de la scène qui précéde cette dernière, plus de 10 ans après, rejoue la consultation chez le psychanalyste, que l’espace d’exposition reproduit en incluant le spectateur dans l’entretien via un jeu de miroirs.

 
Body Double 29, 2010, 2’58’’
Dans Body Double 29 (interprété avec Natacha Lesueur), d'après Bons Baisers d'Hollywood de Mike Nichols (Postcards from the Edge, 1990) une scène malheureuse (et hilarante !) de doublage est rejouée deux fois de suite, et les acteurs échangent leurs rôles entre la doublure et le personnage principal, achevant la mise à mal de leur distinction. A l’instar de BD 28, la prise de vue a eu lieu au centre d'art Le Transpalette à Bourges, dont l'extérieur de la façade est ici rétroprojetée pour donner une illusion de profondeur.
 

Body Double 26, 2011, 6’08’’
Dans Body Double 26, l’artiste redonne vie à des stars déchues et dont le livre Hollywood Babylon de Kenneth Anger retraçait les destins funestes 1. Empruntant des portraits à cette compilation de rumeurs mettant à mal le mythe hollywoodien, ou en révélant ses dessous fantasmés (plus vrais peut-être que le récit véritable), l’artiste redonne vie à des images d’actrices aux carrières brisées. Projeté en rear screen, de même que BD 29, le film semble paradoxalement s’affranchir de tout référent.

1 Et dont la monographie de l’artiste parue chez Toastink reprend la mythique mise en page, Posture et talons hauts, Paris, 2011, diffusion Les Presses du Réel.

© Photos Marc Domage