LES AMIS DE MIAMI SONT MES AMIS

Atterrissage à Miami dans l'après-midi du 2 décembre. C'est le renouveau du
cinéma ambulant : dans ma flight-case japonaise flambant neuve acquise pour
l'occasion, le matériel de projection pour les films de Brice (Dellsperger).
Haute d'un bon mètre, bien campée sur ses roulettes, cette affectueuse
valise qui file doux à la moindre chiquenaude contient vidéo-projecteur,
lecteur DVD, ampli et baffles, le tout calé avec un florilège de bikinis, de
t-shirts et de sandalettes ...
Il fait chaud et humide pour l'arrivée de nuit à l'Holiday Inn de South
Beach, camp de concentration touristique qui n'est pas sans rappeler, en
plus cheap, le séjour à Dubaï avec les artistes Swetlana (Heger) et Plamen
(Dejanov).... De la fenêtre de ma chambre, je vois le site d'Art Positions,
mikado de containers bien rangés et bâchés de rose et de gris, au sein
duquel se niche le P9 d'Air de Paris. Derrière, l'océan dégaine. C'est le
camp de base pour la semaine.
Je retrouve Edouard et Maya (Merino) avec leur fille Luna pour un dîner
rapide, fatigue oblige, dans un diner glauque -fatigue oblige, puis un coup
d'oubli dans la chambre de 60 m2 dont la baie vitrée de verre fumé ne peut
s'ouvrir, la machine à air conditionné vrombit bruyamment.
Matin du 3. Vive le jetlag, grâce auquel je me réveille en pleine forme dès
6h. Plage très urbaine, qui évoque à la fois Nice, Los Angeles, Ipanema et
Dubaï. Des corneilles très noires au très long bec piaillent nerveusement.
Des joggers, des vélos, des camions sur le sable gris. Quelques pétroliers
de gros tonnage à l'horizon. Des oeufs « sunny side up » au petit-déjeuner,
puis prémisses d'installation dans le container P9. L'équipe d'Art Basel a
une fois de plus bien fait les choses, néanmoins Bob me renvoie sur Jim pour
le socle qui n'a pas été construit, je ne trouve rien dans les pages jaunes
qui sont en espagnol, le soleil est trop fort et le vidéo-projecteur trop
faible, mais en fin de compte tout s'arrange, le socle sera là demain, ainsi
que le rideau à l'entrée du container. C'est simple, le rideau se lève
demain, alors, Repos !
Dring ! - je réponds à Liam (Gillick) au téléphone : « rendez-vous ce soir
pour la première du film de Sarah (Morris) au MOCA, - ok sans faute avant
21h », douche, Frozen Margarita (petit hommage en passant à certains
épisodes des Chocolats de l'Ambassadeur), en route pour le premier évènement
d'Art Basel Miami Beach, on a zappé la Welcome party, qui nous aurait fait
zapper la Margarita..., il faut bien choisir ses priorités, non ?, de toute
façon la Welcome party c'est une sorte de répétition de l'Opening party, et
ça, c'est demain...
Sarah a réussi le portrait de Miami, après New York, Las Vegas, Washington,
ce sont les élégants chapitres d'un Planet Corporate, le guide rouge des
grandes villes du pouvoir , bande son de Liam, très Lonely James (Bond)...
Vernissage d'Art Basel Miami Beach, d'abord au Convention Center : un
ensemble de stands sur le modèle de la foire de Bâle, plus résolument
contemporain. Mention spéciale pour le stand commun de trois galeries
berlinoises (neugerriemschneider, Neu et je ne me souviens plus de la
3e....) ; Ils partagent une idée, plus qu'un stand : aucune cimaise,
uniquement des œuvres oversized: une tente de Jorge Pardo, une maisonnette
de ...(?), magnifique et culotté. Mais dans l'ensemble, coût des stands
élevé implique peu de prise de risques. Plus tard dans la journée, le
vernissage se poursuit à Art Positions (notre QG à l'ambiance balnéaire).
Emeute dans ce quartier d'étroits containers à la nuit tombée, nous
présentons Body Double 13 de Brice, ma Briscillia en Travolta emporté dans
le tourbillon d'une scène de Saturday Night Fever, 'More than a Woman'...
nos visiteurs ressortent avec un grand sourire, happy hour et cocktail
étrange, fort et sucré, Martini Gin à la pomme verte.
Sur la plage à 21h30, quelques voitures, une grue, des bandes de scotch
jaune Police Line Do Not Cross, les derniers préparatifs de A Smile Without
a Cat, feu d'artifice de Philippe (Parreno) et Pierre (Huyghe) qui fuse le
personnage manga qu'ils ont prénommé Ann Lee dans un ciel d'encre.
Celebration of Annlee's vanishing... C'est un peu idiot, ça fait un peu
cadeau d'anniversaire de pauvre enfant riche, mais c'est très très beau,
cela ne dure que 60 secondes, ils ont réussi à faire un feu d'artifice
triste, c'est définitivement l'évènement de la semaine.
Le lendemain, canicule. Michele (Maccaronne) donne le LA, en bikini dans son
stand. Entre deux ventes, chacun se précipite dans l'océan. Quand je pense
que Bruno (Serralongue) se les caille aux Kunstwerke à Berlin ! Vie
d'artiste, vie de prince, vie de chien...
Le soir, homard avec la délicieuse amie de Bruno (Dellavallade) et nos
nouveaux amis Marion et Emmanuel (Lebreton). Promenade sur Ocean Drive,
fleuve de Lamborghinis, flots de musique, terrasses bondées, on dirait
Cannes plus les Mariachis. Et sans Bruno. On adore ET on déteste !.
Orages tropicaux, qui attisent les couleurs, contrastes gris et fluo. Entre
nos containers, les collectionneurs (du Midwest, d'Illinois, de New York, de
Chicago, de la Côte Ouest et d'Amérique latine, fort peu d'Européens)
slaloment entre les joueurs de freesbee et les joggers, torses nus & muscles
huilés... Des retraités, bobs et bermudas et visages marron, vaguement
perplexes devant Body Double 14, Sophie (Lesne) dans la fameuse
firecamp-scene de My Own Private Idaho , c'est la déclaration de River
(Phoenix) à Keanu (Reeves)...
En matinées, visites de collections privées. Les Rubell et Margulies ont de
vrais musées dans d'anciens entrepôts, dans des quartiers éloignés de Miami
Beach, où d'ailleurs il ne doit pas faire bon promener de nuit. La
warehouse: le lieu du travail devenu l'espace de l'exposition, modèle
dominant paroxisé du projet de rénovation de l'Ile Seguin. Bon, cela dit,
c'est époustouflant. Oeuvres muséales. Les de La Cruz et les Mora, au
contraire, accrochent les oeuvres dans leurs maisons. Maisons-palais, jungle
apprivoisée, pontons de bois et yacht privés. Justement, des tables rondes
sont organisées, les collectionneurs parlent de leurs collections, comment
celles-ci s'élaborent etc. François (Roche) donne une conférence sur
l'architecture, heureuse initiative dans ce contexte ; en effet, on pense
les collections, parfois on les articule, mais pense-t'on vraiment ces
maisons qui les accueillent, les enveloppent, les déterminent aussi ... Du
coup, réactivation avec François et Stéphanie (Lavaux) et Edouard et Maya et
qui viendra - d'un projet que déjà nous rêvions marocain...
Dernier jour, grand vent. Air de Paris change la mise, programme du dimanche
: une video et les cerfs-volants de Shimabuku, grands poissons rouges et
grandes poulpes de papier, nos visiteurs peuvent les emporter sur la plage,
poissons-volants dans le ciel au dessus des vagues : When Sky Was Sea
jusqu'à la tombée de la nuit.
Très bon dîner au Pacific Time et virée jet-set au Delano, hôtel
cinématographique s'il en est : impressionnant travelling-avant, collage
d'ambiances à la Peter (Greenaway).
On finit la soirée dans le minuscule sous-sol du Mynt, avec du hip hop très
calliente, Puff (Daddy) en guest star, Petra (Mrzyk) et Jean-François
(Moriceau) ont récolté du matériau pour quelques centaines de dessins,
abandon du journal de bord par épuisement des signes.