Les nouvelles peintures de Stéphane Dafflon conjuguent deux domaines scientifiques, les mathématiques et le spectre, le chiffre et la couleur. Dans ses œuvres, on oscille entre des perspectives contradictoires: la géométrie, un domaine sévère fait de lignes et d’angles, et le cercle chromatique, un domaine diffus fait d’infimes gradations. Tous deux sont utilisés ici de manière franche, tout en s’engageant dans une ontologie délicieusement incertaine.
Le spectre des couleurs, dont Newton a découvert qu’il s’agissait d’une qualité de la lumière, une forme de rayonnement électromagnétique, est parfaitement compris par la science, mais nous le lisons en même temps comme marqueur d’un sentiment esthétique et de mystère spirituel.
Dans les peintures de Dafflon, la couleur est non chromatique, elle évoque la lumière, la teinte, le ton et l’ombre plutôt que le chroma pur; la couleur se situe dans le monde. Pourtant, l’ontologie de la couleur demeure contestée. Elle n’est pas réelle au même titre que le support de la toile, dont l’existence, comme celle des montagnes et de la lumière du soleil, ne dépend pas d’un observateur humain. Notre perception de la couleur résulte en effet de la réflexion des rayons lumineux captés par l’œil, elle n’existe que lorsqu’un observateur la voit, même s’il est difficile d’imaginer le monde concret comme effectivement achromatique.
La géométrie, c’est-à-dire les mathématiques, fait également l’objet d’un débat ontologique. La ligne droite et l’angle droit existent-ils a priori, sont-ils des objets naturels que nous découvrons dans le monde, ou sont-ils un produit de la culture, une fonction de la cognition humaine? Le spectre et la géométrie, la couleur, les points et les lignes, ces éléments de la peinture abstraite marient l’intuition et la rationalité, l’ineffable et l’indéfectible.
Miró disait que l’art pouvait être «confondu avec les éléments de la nature», et cette peinture abstraite civilise ce qui est naturel et brut dans une logique rectiligne, consommant l’union dans un espace de contemplation transformatrice. C’est une géométrie des cieux, transcendante et infinie, qui plane dans un espace non terrestre, un champ illimité différencié en d’uniformes émanations de lumière subtile.
L’acte alchimique — la métamorphose des éléments de la science en art — est une tentative de transcendance mystique, qui était autrefois le but de l’abstraction progressive. Il a été avancé que la géométrie, les plans et les angles sont masculins, tandis que la couleur, en particulier les couleurs douces non primaires, sont féminines. Nous pourrions donc imaginer que la fusion de la mère et du père crée l’objet primaire idéal, un espace cosmique empli de la luminosité contrainte d’une galaxie.
Texte de Walter Robinson, 24.09.2023
These new paintings by Stéphane Dafflon combine two realms of science, mathematics and the spectrum, number and color. In them we oscillate between contradictory perspectives: geometry, a stern thing of edges lines and angles, and the chromatic wheel, a diffuse thing of minute gradations. In the paintings both are put to straightforward use, despite engaging in a deliciously uncertain ontology.
The color spectrum, which Newton discovered is a quality of light, a form of electromagnetic radiation, is thoroughly understood by science, while at the same time we read it as a marker of aesthetic feeling and spiritual mystery. With Dafflon’s paintings, the color is nonchromatic, it evokes light, tint, tone and shadow rather than pure chroma, it places its color in the world. Yet the ontology of color remains contested. It is not real in the same way as the canvas support, whose existence like mountains and sunlight doesn’t depend on a human observer. Our perception of color rather results from the reflection of light rays captured by the eye, it only exists when a viewer sees it, as difficult as it is to imagine the concrete world as effectively achromatic.
Geometry, that is, mathematics, is also a matter of ontological debate. Do the straight-edge and right angle exist a priori, are they natural objects that we discover in the world, or are they a product of human culture, a function of human cognition? Geometry is both immaterial and real, is it objective or a product of anthropoid regard? The spectrum and geometry, color and points and lines, these elements of abstract painting marry intuition and rationality, the ineffable and the hard-headed.
Miró said art could be “confused with elements of nature,” and abstract painting like this civilizes what is natural and raw within a rectilinear logic, consummating the union in a space of transformative contemplation. It is a geometry of heaven, transcendent and infinite, hovering in an unearthly space, a limitless field differentiated into uniform emanations of subtle light.
The alchemical act — metamorphosing elements of science into art — is a stab at mystical transcendence, once the goal of progressive abstraction. It has been posited that geometry, planes and angles, are masculine while color, especially soft nonprimaries, are feminine, so we could imagine the fusion of mother and father creates the ideal primary object, a cosmic space filled with constrained luminosity.
Text by Walter Robinson, 9-24-23
Stéphane Dafflon, AST462, 2023. Acrylic on canvas, 135 x 135 cm. Unique. Photo Marc Domage.
Stéphane Dafflon, AST463, 2023. Acrylic on canvas, 60 x 60 cm. Unique. Photo Marc Domage.
Stéphane Dafflon, AST464, 2023. Acrylic on canvas, 120 x 120 cm. Unique. Photo Marc Domage.
Stéphane Dafflon, AST465, 2023. Acrylic on canvas, 120 x 120 cm. Unique. Photo Marc Domage.
Stéphane Dafflon, AST466, 2023. Acrylic on canvas, 60 x 60 cm. Unique. Photo Marc Domage.
Stéphane Dafflon, AST467, 2023. Acrylic on canvas, 120 x 120 cm. Unique. Photo Marc Domage.
Stéphane Dafflon, AST468, 2023. Acrylic on canvas, 60 x 60 cm. Unique. Photo Marc Domage.
Stéphane Dafflon, AST469, 2023. Acrylic on canvas, 60 x 60 cm. Unique. Photo Marc Domage.
Stéphane Dafflon, AST470, 2023. Acrylic on canvas, 180 x 360 cm. Unique. Photo Marc Domage.
Stéphane Dafflon, AST471, 2023. Acrylic on canvas, 60 x 60 cm. Unique. Photo Marc Domage.
Stéphane Dafflon, PM077, 2023. Acrylic on wall, variable dimensions. Unique. Photo Marc Domage.
Stéphane Dafflon, PM076, 2023. Acrylic on wall, variable dimensions. Unique. Photo Marc Domage.
Musician: Uchida Akira