Air de Paris est heureuse d’annoncer la nouvelle exposition personnelle de Dorothy Iannone : Extase and The Roulette Table.
Deux œuvres historiques seront réunies: Extase (1970), ensemble de dessins de Dorothy Iannone illustré d’une chanson de Robert Filliou et Roulette Table, Love is my Inspiration (1972-2003), table de roulette que l’artiste a sublimé de peinture et de textes.
Au printemps 1966, Dorothy Iannone rencontre Robert Filliou dans les jardins du sculpteur Albert Féraud. Dans Antibes Automatic, elle chante la naissance de cette amitié:
« Long ago in Antibes, in Cap d’Antibes,
I met you and loved you and still do today.
You captured my mind dear, I touched your French soul
Now look where we find ourselves, in this German hole.
Our lives touched and changed, dear, long ago in Antibes »
Profitant d’une invitation à enseigner à la Kunst Akademie, Dorothy Iannone et Dieter Roth partent vivre à Düsseldorf au printemps 1968 où ils invitent les Filliou à les rejoindre.
En 1970, le recueil Extase est publié. Il rassemble des dessins de Dorothy Iannone et une chanson paillarde de Robert Filliou. La même année, il l’invite à écrire un texte dans Enseigner et apprendre, Arts vivants : « Ces jours-ci, je m’intéresse à l’extase. Je crois qu’en fait, je veux l’avoir tout le temps. Quelle que soit l’opinion des gens sur la nature de l’extase, j’ai l’impression qu’on pourrait limiter nos activités pour que l’extase occupe la moitié de notre temps - ce qui équivaudrait à tout le temps. »
Quatre nouvelles oeuvres seront également présentées: des Giant People, silhouettes découpées dans du bois. Celles de Jan Voss, Robert et Marianne Filliou qui avec d’autres avaient joué à la Roulette ce soir de 1972 à Düsseldorf. La quatrième silhouette est celle de Dorothy Iannone qui, elle, jouait le rôle du croupier et annoncait : « Les Jeux sont faits »
Née à Boston en 1933, Dorothy Iannone vit et travaille à Berlin. Air de Paris lui a consacré sa première exposition personnelle en 2007 alors intitulée « She Is A Freedom Fighter » ; son premier solo-show aux Etats-Unis « Lioness » a été organisé au New Museum en 2009. « I Was Thinking Of You » a également été présentée, en 2006, lors de la biennale du Whitney Museum. Elle a récemment bénéficié d’importantes rétrospectives et notamment au Camden Art Center, Londres (2013), Berlinische Galerie, Berlin (2014), Migros Museum, Zurich (2014) et Centre Pompidou (2019).
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Jan Voss, Amsterdam 7.7.20 -> Dorothy Iannone, Berlin
Chère Dorothy !
Je suis très excité, Florence m’a invité à écrire sur toi à l’occasion de ta prochaine exposition chez Air de Paris. Est-ce toi qui lui a suggéré mon nom, ou était-ce son idée ? Si c’est l’idée de F. et qu’elle ne t’en a pas parlé, eh bien tu vas être surprise.
En réfléchissant à la façon d’aborder cette tâche, j’ai trébuché « sur ». Ce mot n’allait pas. J’aime t’écrire à toi mais pas écrire sur toi. N’avons-nous pas entretenu une correspondance régulière depuis notre rencontre ?
Je suppose qu’Air de Paris fera traduire cette lettre et l’imprimera en français. Elle est destinée à être lu par des personnes qui viendront visiter ton exposition, par des personnes qui s’intéressent à toi et à ton travail. Ils ne savent probablement pas qui je suis. (Ou peut-être me confondent-ils avec mon homonyme parisien). Je le précise pour eux, pour m’assurer qu’ils comprennent bien que cette lettre est traduite en français et que moi, allemand, je l’ai écrite en anglais.
Nous avons toujours échangé en anglais, de deux façons très différentes moi, dans un anglais scolaire et toi, licencié en littérature américaine.
Te souviens-tu – ou, mais peut-être ne l’as-tu jamais su : il y a presque 50 ans quand tu es arrivée en Allemagne, peu de temps après nous avoir présentés, ton compagnon d’alors et mon professeur, l’inoubliable Dieter Roth m’a posé cette question: « peut-être pourrais-tu-lui apprendre un peu d’allemand ».
À ma connaissance, la question de ton apprentissage de l’allemand ou de la personne qui te l’apprendrait n’a jamais été réabordé alors qu’enseigner et apprendre étaient des mots importants à l’époque à Düsseldorf. Ils figurent en bonne place dans le titre du livre de Robert Filliou publié en 1970 auquel tu as collaboré : « Enseigner et Apprendre, Arts Vivants » . Notre implication ne concernait pas un domaine en particulier (je veux dire, dans l’une ou l’autre langue), elle était totale, dans cette langue de toutes les langues, notre implication était dans l’art.
Il y avait des poètes puissants à Düsseldorf en ce temps-là. Et tu étais l’une d’entre eux, héroïque dans ta défense de la liberté, comme tu l’es encore aujourd’hui.
Il est bien utile d’avoir la possibilité de se remémorer. Cela rend le présent moins sombre.
En plongeant plus profondément dans mes pensées, je revois ta vie qui telle une performance poétique, sans peur et pleines de couleurs éclatantes, se déroule sur scène.Cette scène, qui ne différencie pas les acteurs des spectateurs, est là pour élever tous ceux qui t’accompagnent. Toute ton œuvre est une célébration qui nous élève.
La beauté de tes peintures (ou des accessoires de scène) est qu’elles découlent ou dérivent de ton intensité si particulière.
Avant de me laisser emporter : il faudra que tu me dises un jour ce que tu penses de tout cela.
Il n’y a pas de lettre en bonne et due forme sans que l’expéditeur ne dise à sa destinataire comment il va au monde. Brièvement, ici c’est la merde, ils brisent nos os de Boekie Woekie. Je t’en ai déjà parlé. C’est de pire en pire.
Chère Dorothy, bonne chance pour ton exposition.
Jan
Dorothy Iannone & Robert Filliou, Extase (De Dorothy Iannone, Illustré Par Une Chanson De Robert Filliou), 1970.
Artist book, 11 original drawings (drawings Iannone and handwritten song Filliou), each: 36 x 32,5 cm.
Air de Paris is pleased to announce Dorothy Iannone’s new solo exhibition:
Extase and The Roulette Table.
Two historical works will be presented : Extase (1970), a set of drawings by Dorothy Iannone illustrated with a song by Robert Filliou and Roulette Table, Love is my Inspiration (1972-2003), a roulette table enhanced by painting and texts.
In the spring of 1966, Dorothy Iannone met Robert Filliou in the garden of the sculptor Albert Féraud. In Antibes Automatic, she sings about the beginning of their relationship:
« Long ago in Antibes, in Cap d’Antibes,
I met you and loved you and still do today.
You captured my mind dear, I touched your French soul
Now look where we find ourselves, in this German hole.
Our lives touched and changed, dear, long ago in Antibes... »
In the spring of 1968, Dorothy Iannone and Dieter Roth went to live in Düsseldorf, where Dieter Roth was to be professor at the Kunst Akademie. They invited the Fillious to come to Düsseldorf.
In 1970, Extase is published, a collection of drawings by Dorothy Iannone and a song by Robert Filliou. In the same year, Robert Filliou invited her to write an essay in Teaching and Learning as Performing Arts :
« These days I am interested in ecstasy. That is, I think, I want it all the time. Never mind what they say about the nature of ecstasy, I’ve got a feeling one could limit oneself to such an extent that it would be possible half the time - and that’s like all the time. »
New works will also be presented: four Giant People, full-length wooden cutouts of Jan Voss, Robert and Marianne Filliou who were among the friends present at the roulette evening as well as a cutout of Dorothy Iannone, the croupier who announced « Les Jeux sont Faits »
Born in Boston in 1933, Dorothy Iannone lives and works in Berlin. Air de Paris organized her first solo exhibition, She Is A Freedom Fighter, in 2007, and the New Museum presented Lioness, her first one-person show in the United States in 2009. Her mixed media work I Was Thinking Of You was included in the 2006 Whitney Biennial. She has recently had major retrospectives, notably at the Camden Art Centre in London (2013), the Berlinische Galerie in Berlin (2014) the Migros Museum in Zurich (2014) and Centre Pompidou (2019).
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Jan Voss, Amsterdam 7.7.20 -> Dorothy Iannone, Berlin
Dear Dorothy!
I am excited, Florence invited me to write about you for your upcoming show at Air de Paris. I wonder, did you ask her to ask me or was that F.’s idea? If it was F. and she did not tell you, well, then you are in for a surprise.
Thinking about how I would tackle this task I stumbled over the word “about”. It felt wrong there. I like to write to you, not about you.
Have we not anyhow been pen pals for most of the time that we have known each other?
I suppose Air de Paris will have this letter translated and print it in French. It’s meant to be read by the visitors to your show, by people with an interest in your work and you. They most likely do not know who I am. (Or perhaps think I’m my Paris namesake.) For those I want to make sure that a translation to French of this letter does not obscure the fact that I, a German, am writing it not in German but in the English language.
Our language has always been English, or better: two only partly overlapping kinds of English, my school English, and yours, with a BA in American literature.
Do you remember – or, I don’t know if you ever knew this: 50-some years ago, when you had newly arrived in Germany, your then boyfriend and my professor, the unforgettable Dieter Roth, shortly after introducing us, said to me “maybe you can teach her some German”.
To my knowledge the subject of you learning German, or someone teaching you German never came up again , though teaching and learning back then in Düsseldorf were important words. They figured prominently in the title of Robert Filliou’s book from 1970 which had you as a collaborator: “Teaching and Learning as Performing Arts” . The engagement was not with a particular subdivision (I mean with the one or other language), but with the total, with that language of all languages, the engagement was with art.
Some strong poets were around in those Düsseldorf days. And you were one of them, heroic in your defence of freedom, as you still are today.
It’s helpful to have the possibility to think back. It makes the present less bleak.
Sinking into some deeper thought I see your life’s poetic performance, unafraid and with bright colours, happening on a stage. The stage is not there to separate the actors from the audience. The stage is there for all who are with you to be a bit higher. Your artwork is a celebration on an elevated platform. The beauty of the paintings (or stage props) is that they happen as a natural consequence in that higher sphere or as a kind of byproduct of your special kind of intensity.
Before I get carried away, tell me one day what you think of this.
No proper letter without the sender reporting to the addressee how he is doing in his world. Just briefly, a terrible shit is going on here, they are breaking our Boekie Woekie bones. I have told you about it. It’s getting worse.
Dear Dorothy, for the show the best of luck,
Jan