BRUNO SERRALONGUE
Chemins cherchés, chemins perdus, transgressions
April 1 - May 20, 2017
La nouvelle exposition personnelle de Bruno Serralongue à Air de Paris, emprunte son titre au recueil de poèmes d’Henri Michaux. À travers «Chemins cherchés, chemins perdus, transgressions», il sera question de lutte pour la terre qu’elle soit ailleurs, pour les migrants (Calais, 2006-2008, 2015-ongoing) ou ici pour les habitants temporaires et résidents de la Zone à Défendre (ZAD) (Notre Dame des Landes, 2014-ongoing).
[…] Face au zapping des mass medias, assoiffés de nouveauté et de spectaculaire, Bruno Serralongue oppose la lenteur et le décalage avec la notion d’actualité. Face à la surcharge d’informations, il oppose la parcimonie. Face à la très grande vitesse, qui gouverne tant la fabrication de l’information que les échanges commerciaux, les flux financiers et les transports, il oppose la persistance. Il représente des figures de résistance et d’opiniâtreté, des figures minoritaires qui parviennent malgré tout à se créer des moyens d’accès à l’opinion publique, à s’approprier un espace médiatique. Sa stratégie plastique s’articule à leurs stratégies de communication. Du Chiapas à Mumbai, en passant par Cuba, Washington et Genève, il a suivi depuis le milieu des années 90 la mise en place et la structuration du mouvement de l’alter-mondialisme. Ces grandes messes médiatiques lui offrent des filtres et des protocoles qui dirigent la production de ses photographies. Son expérience du hors-champ l’a amené à faire le constat d’une scénarisation du réel dans le processus de fabrication de l’information. Pour Bruno Serralongue, créer un stock d’images c’est, non pas illustrer l’actualité, non pas fournir une archive ouverte aux médias, mais proposer une contre-information au sens où Gilles Deleuze définissait l’art comme un acte de résistance. Une information qui résiste. Un autre régime de vitesse dans la production des images. Bruno Serralongue est un self-media : un émetteur-récepteur qui agit de manière autonome en-dehors de la sphère professionnelle de l’information.
L’artiste self-media traite, produit et diffuse une information alternative et recodée, c'est-à-dire non soumise aux lois binaires des mass medias, dominés par la logique de l'immédiateté et les rapports de pouvoir. Il travaille sur des sujets qui le concernent, dans un temps réflexif, dans un autre rapport à l'événement,
dans une temporalité qui est sans doute plus certainement celle de l'art, une temporalité qui ne s'impose pas le spectaculaire. Les contre-informations proposées par ses enquêtes sur le travail médiatique luttent contre la fragmentation d'une expérience vécue comme totalité. Comme Karl Kraus, premier critique des médias dans les années 30, il affirme aujourd’hui qu’il n’y a pas d’autre objectivité qu’une objectivité artistique. Face à la réalité falsifiée par les médias, il y a les alter-images de l’artiste. Ces dernières années, Bruno Serralongue a fait évoluer sa pratique en suivant plusieurs situations appartenant à l’actualité humaine, sociale et politique : Florange, Notre-Dame-des-Landes, les camps de Calais et la première décennie d’une nouvelle nation, le Kosovo. En développant une relation de travail et de complicité avec ces territoires et leurs habitants, il a pu développer sur le temps long une véritable connaissance des enjeux humains et environnementaux situés en ces lieux. Après sa grande rétrospective « Feux de camp », au Jeu de Paume en 2010, une récente exposition intitulée « La Terre est un crocodile », présentée en 2015 au MAMCO de Genève, lui a permis de mettre en évidence la manière dont ces plateaux de recherches, mis en relation, peuvent nous permettre de penser autrement la manière dont la communauté des vivants habite aujourd’hui le monde. Il s’agit pour lui d’affirmer la possibilité de rendre compte de l’histoire contemporaine avec les outils et la pensée visuelle de la photographie.
[…]
Pascal Beausse, Mai 2016.
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Bruno Serralongue’s new solo exhibition at Air de Paris borrows its title from Henri Michaux’s collection of poems. Through «Chemins cherchés, chemins perdus, transgressions» there will be question of struggle for land elsewhere, for migrants (Calais, 2006-2008, 2015-ongoing) or here for temporary inhabitant and residents of the Zone to Defend (ZAD) (Notre Dame des Landes, 2014-ongoing).
[…] Faced with the omnivorously scattershot mass media and their thirst for the novel and the spectacular, Bruno Serralongue urges leisureliness and detachment from the topical. Faced with information overload, he urges minimality. Faced with the speed that governs news, trade, money flow and transport, he urges slow persistence. Serralongue portrays people who resist, who are unyielding – minority figures who in spite of everything manage to get through to the public and appropriate a space in the media. His visual strategy ties in with their communication strategies: since the mid-90s, from Chiapas to Mumbai via Cuba, Washington and Geneva, he’s been tracking the rise and structuring of the altermondialist movement, looking to media pomp and ceremony for the filters and protocols that shape the making of his photographs. His experience with what goes on out of shot has set him straight about the scripting of reality that goes into the process of fabricating information. His store of images is not intended to illustrate current events or provide the media with an open archive; it exists, rather, to offer the counter-information Gilles Deleuze was referring to when he defined art as an act of resistance. Information that resists. A different gearing of the production of images. Serralongue belongs to the self-media: he’s a transceiver functioning independently of the professional information sphere. The self-media artist processes, produces and diffuses not contingent on the binary dictates of the mass media, their power games and their logic of instant gratification. He works on subjects he is committed to, in a reflexive time frame, in a different relationship to events, in a temporality free of obligatory, self-imposed spectacle. The counter-information provided by his investigations of media functioning combats the fragmentation of an experience he sees as constituting a whole. Like Karl Kraus, the pioneer media critic of the 1930s, he is telling us that there is no objectivity other than artistic objectivity. Going counter to the media’s falsified reality are the artist’s alter-images. Recent years have seen Serralongue’s practice evolve in line with his attention to situations having to do with the human, social and political scenes: the Florange steelworks issue, the Notre-Dame-des-Landes airport project, the refugee camps at Calais and the first decade of a new nation, Kosovo. A long-term working relationship based on collaboration with his chosen territories and their inhabitants has given him a real understanding of the human and environmental issues involved. In the wake of «Campfires», his major retrospective at the Jeu de Paume in Paris in 2010, the more recent «The Earth is a Crocodile», at MAMCO in Geneva in 2015, was his chance to bring his areas of investigation together and help us reconsider the way our community of living systems inhabits today’s world; the point being that contemporary history can be recorded using the tools and visual thinking of photography. […]
Pascal Beausse, 2016
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