Mathias Augustyniak

À voir, déjà-vu

February 4 – March 18

Some Men About Space N°4
2016
encre au stylo plume sur papier
41,8 x 29,7 cm

Des signes pour la vie

Les dessins de Mathias Augustyniak constituent des fragments pour une sémiologie. L’artiste rassemble des signes du monde extérieur, les lit, les réinterprète, les transforme. Tous ces signes sont assemblés, égaux les uns aux autres, ils composent un langage où le mot et l'image communiquent et pourraient bien devenir interchangeables. Sa pratique du dessin est portée par une forme ancienne d’humanisme — une exploration des potentiels de l’humanité. Deux vocabulaires structurent, significativement, ce langage : la figure humaine, et les lettres — et souvent, ils se fondent l’un dans l’autre, la figure humaine mute en lettres d’un alphabet de l’universel, contribuant à un discours dont le sens reste encore à déchiffrer, alors que les lettres sont habitées par le corps, ou des parties de corps, à tel point qu’elles ne peuvent se décontaminer l’une de l’autre. La présence récurrente de l’érotisme contribue à l’élément humaniste de ses dessins ; l’érotisme est par nature l’art de l’attraction, l’art du désir. C’est l’amour humain qui se manifeste à travers l’humanité elle-même. En tant que tels, ces dessins symbolisent toute son œuvre de dessinateur : ils sont des déclarations d’amour envers l’être humain. Ces êtres humains sont tous le sujet d’une rencontre personnelle avec Mathias Augustyniak : qu’ils soient amis, aimés, personnages fantasmés, ils sont les matrices d’un embellissement et d’une amélioration de la vie de l’artiste — dans l’humanité, avec les humains. La logique des rencontres domine toute relation : elle demande intensité et intimité ; et la réalité de la personne rencontrée n’est pas une condition de la rencontre; l’individu ne peut être dénombré dans une démographie des populations vivantes et disparues ; il est au contraire une figure de dramatisation de l’humanité, réelle, irréelle, potentielle — un être humain plein d’humanité.

Ce sens profond de l’humanité appartient à un processus de poétisation du monde sentiment de suggestion, transformation rêvée des images, manifestée par un usage constant de l’encre et du noir et blanc, ainsi que des couleurs les plus vives. Les extrêmes composent ce monde, tel un espace ouvert pour rassembler rêves et réalités ailleurs, où l’humanité se fait dynamique, plus belle et plus intense.

La pratique de dessinateur de Mathias Augustyniak et sa participation à M/M (Paris) — il est un des deux M du célèbre duo de design — est en soi un élément essentiel de cet ensemble d’œuvres : plusieurs de ses dessins, réalisés pour des commandes ou non, se sont retrouvés dans des projets du studio pour les mondes de l’art, de la mode, de la musique et spectacle; et pourtant ils existent aussi en tant que tels.

Cela montre la tension inhérente à ces œuvres ; Michaël Amzalag et Mathias Augustyniak, en remplaçant leurs noms par l’initiale de leurs prénoms, disparaissent ainsi en tant que personnes, acceptent le fait que leur individualité — et en un sens la pleine signification de l’humanité — doit disparaître dans un monde de signes, où l’humanité a perdu son centre, pour devenir partie d’un monde où les machines, objets, animaux et plantes sont tous égaux en tant qu’habitants d’un espace partagé. La modernité — les dynamiques de l’histoire régit cette approche. Mais la pratique du dessin chez Mathias Augustyniak, articulée dans et pour le monde humain, manifeste la pertinence continue de cette présence, essentielle même quand elle est presque absente. Le dessinateur est un collectionneur d’images, de rencontres, de choses et de visions qui ne lui sont permises que parce qu’il est un être humain. Dessiner est un rappel de l’humanité des choses, et Mathias Augustyniak est partie intégrante de cette histoire de la représentation — une histoire aussi ancienne que l’humanité elle-même. Dans la conscience de son appartenance se trouve son autre identité — celle d’un classique.

Il y a certainement de nombreux ponts entre ces deux approches : le classicisme dans la totalité de sa signification est bien moins intemporel qu’on ne pourrait escompter — bien plus localisé ; la modernité inclus et englobe les origines les plus classiques. Ces œuvres nous rappellent que ces deux termes ne sont nullement contradictoires : tout comme l’individualité et les choses, les signes et les personnes, les mots et les images, classique et moderne cohabitent, plus souvent que jamais, et à la fin ils énoncent la complexité de l’existence, et ses profondes coïncidences.

Donatien Grau

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Signs all the Time

Mathias Augustyniak’s drawing practice pertains to a semiology. He brings together signs from the outside world, reads them, reinterprets them, transforms them. All those signs are assembled as equals, composing a language, where the word and the image converse and may well become each other.

His drawing practice is driven by an ancestral form of humanism — an exploration of humankind’s many potentials. There is evident meaning in the fact that these signs mostly come from two vocabularies: the human figure, and letters — and often, indeed, they merge; human figures become letters in an alphabet of universality, contributing to a speech whose meaning is still to be deciphered, while letters also are inhabited by the body, or by parts of the body, to the point that they cannot be decontaminated from each other. 

The often-reoccurring presence of eroticism in his work belongs to that humanistic element of his drawings: eroticism is, by nature, the art of attraction, the art of desire. It is human love manifested towards humanity itself. As such, these drawings are a symbol for all his work as draughtsman: they are statements of love for human beings.

These human beings are all the subject of a personal encounter with Mathias Augustyniak: whether they are friends, the loved one, fantasy figures, they are matrices for an embellishment and improvement of the artist’s life — in humanity, with humans. The logic of encounters dominates any relation: it requires intensity, intimacy; and the actuality of the person met’s existence is not a condition of the encounter; the individual can not be numbered in the demographics of living and dead population; he or she should rather be a figure of the dramatisation of humanity, real, unreal, potential — a human being of full humanity.

This deep sense of humanity belongs to a process of poeticisation of the world — bringing in a sense of suggestion, of dream-like transformation of images, manifested by the consistent use of ink and black and white, as well as the most vivid colours. Extremes compose this world, open as a space for dreams and actualities together to be displaced into an otherness, where humanity is made dynamic and more beautiful, more intense.

Mathias Augustyniak’s practice as a draughtsman and his participation in M/M (Paris), as one of the two “M”s of the celebrated design duo, is in itself a very fascinating part of this ensemble of works: many of his drawings, made separately from commissions, or specifically for them, have found themselves in the studio’s projects, within art and culture; and yet, they exist on their own.

This proves the tension within his work: on the one hand, Michaël Amzalag and Mathias Augustyniak, by letting their names be dropped and replaced by the initial of their first name, thereby somehow disappearing personally from it, accept the fact that individuality — and in a sense the full meaning of humanity — have to disappear within a world of signs, where humanity has lost its centrality, to become a part of a world that includes machines, objects, animals, plants, all equal as inhabitants of a shared space. Modernity — the dynamics of history — governs this approach.

On the other hand, Mathias Augustyniak’s drawing practice, articulated within the human world and for the human world, manifests the continued relevance of this presence, essential when almost absent. The draughtsman is a collector of images, encounters, things, visions, that are only allowed to him insofar as he is a human being. Drawing is a reminder of the humanity of things, and Mathias Augustyniak is part of the history of representation — a history as old as humanity. In his awareness to his belonging lies his other identity — that of a classic.

There certainly are many bridges between both approaches: classicism in its fullest sense is far less timeless than one would expect — much more located; modernity includes and encompasses the most classic roots. These works remind us that the two terms are by no means contradictory: as individuality and things, signs and persons, words and images, the classic and the modern cohere, more often than not, and in the end they state the complexity of human existence, and its profound coincidences.

Donatien Grau