Les œuvres d’Ingrid Luche s’inspirent pour certaines du contexte même de l’exposition. Jouant parfois avec des persistances rétiniennes de lieux fréquentés ou simplement fantasmés, ses œuvres intrigantes interrogent sans cesse notre perception des espaces en développant notamment une forme de temporalité intermédiaire : un présent qui n’est plus, un futur qui est déjà-vu.
À l’instar de sa quatrième exposition personnelle prenant comme prétexte un lieu précédemment investi et photographié, c’est lors d’une banale prise de vue de repérage de l’espace dévoué à sa future exposition que l’artiste s’aperçoit que les néons retransmis à travers un écran déforment et font vibrer Air de Paris ! Elle décide alors de le transformer davantage. Les œuvres présentées aujourd’hui résultent de cette courbure de l’espace — d’une exposition passée — et apportent une vision inédite en rapprochant notamment des points autrefois éloignés. Un phénomène qui dans le domaine de la cosmologie est déjà théoriquement possible ! Parmi les œuvres produites à l’occasion de cette exposition une autre espèce s’est invitée, cosmique cette fois. En effet, «Maquette pour une robe à partir de l’œuvre Sternhimmeltuch (1968) de Sigmar Polke, paraphée I. Luche» n’est pas seulement le déploiement et l’emprunt d’un titre énigmatique, c’est aussi la reproduction d’une constellation d’étoiles dans lesquelles Sigmar Polke écrivit son nom en 1986. Ingrid Luche superpose aujourd’hui le sien et transforme ainsi ce tissu spatial en nouvelle-née de la série des «Ghost Dresses». Et pourquoi pas se parer à présent de ses astres ? Dans cette nouvelle exposition, se cache aussi l’agrandissement d’un livre sur lequel est gravé un dessin représentant Achille. Le point commun réside sans doute ici, dans le monde, le socle qu’il a volontairement quitté pour se voir plonger dans le fleuve… Il est parfois difficile de savoir si le cosmos convoqué dans les œuvres d’Ingrid Luche existe ou si nous l’avons rêvé ensemble, mais finalement cette dissociation n’a que peu d’importance dans le plaisir de découvrir ce nouveau voyage dans l’espace.
Ingrid Luche (1971, vit et travaille à Paris) participera avec Air de Paris à Artissima/section Present Future, Turin en Novembre 2015. Son installation permanente «The Gold, the Night & the Noon» est visible à Von-der-Heydt-Museum, Wuppertal ainsi que l’oeuvre «Morceau de lune» produite spécialement pour la Triennale de Beaufort «Beyond Borders». Elle participe également à l’exposition «Et nous voici plus bas et plus haut que jamais» organisée par Vincent Romagny à Chiso Gallery, Kyoto.
In some cases Ingrid Luche’s works take their inspiration directly from the exhibition context. Sometimes making play with persistence of vision relating to places she has known or simply fantasised, her intriguing pieces endlessly challenge our spatial perceptions, notably by generating a kind of intermediate time frame: a no longer extant present, a déjà vu future.
As with her fourth solo exhibition, which took as its pretext a venue where she had already shown, it was after taking photographs of the space she would later use that the artist realised that the vibrations of the fluorescent lighting at Air de Paris set the gallery undulating. She then decided to alter the frame of reference by using another artist’s exhibition views as part of her project. The works on show here are the outcome of this use of curved space, creating a new vision by, among other things, bringing points in space closer than they were before — something already theoretically feasible in the field of cosmology. Among the works specially created for the exhibition is a new, cosmic kind: “Maquette pour une robe à partir de l’œuvre Sternenhimmeltuch (1968) de Sigmar Polke, paraphée I. Luche” not only involves borrowing and reusing an enigmatic title, it is also a reproduction of a constellation in which Sigmar Polke wrote his name in 1968. Here Luche overlays her own name and transforms this space cloth into the latest-born of her Ghost Dresses series. After all, why not use one’s stars as adornment? Also to be found in this exhibition is a blow-up of a book inscribed with a drawing of Achilles. The common factor is doubtless right here, in the world: the base he deliberately left so as to see himself plunge into the river… It is sometimes hard to tell if the cosmos conjured up by Ingrid Luche actually exists, or if we have dreamed it together. In the end, though, this disconnection is of little importance; what counts is the pleasure of discovery, of this new journey into space.
Ingrid Luche (b. 1971, lives and works in Paris) will be joining Air de Paris in the Present Future section of Artissima, in Turin in November 2015. Her permanent installation “The Gold, the Night & the Noon” can be seen at the Von-der-Heydt-Museum in Wuppertal, together with her “Morceau de Lune”, specially created for “Beyond Borders”, the fifth Beaufort Triennial in Ostend. She also participates to “Et nous voici plus bas et plus haut que jamais”, a group show curated by Vincent Romagny at Chiso Gallery, Kyoto.